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Comme tous les samedis soirs, dans l’émission Salut Les Terriens présentée par Thierry Ardisson, Gaspard Proust vient présenter son édito hebdomadaire Elle est pas belle la vie ?. Mais ce samedi 10 janvier 2015, l’humoriste a tenu à rendre hommage à Charlie Hebdo dans une chronique très touchante où il nous raconte cette journée du mercredi 7 janvier 2015.

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Je longeais le Boulevard Richard-Lenoir. Joli boulevard. Bordés d’arbres et d’immeubles. Immeubles dans lesquels, il y a plein de gens. Qui travaillent, qui mangent, qui dorment, qui rient, qui pleurent, qui baisent, qui s’engueulent. Mais parfois, on y trouve aussi des gens qui meurent.

De mort naturelle ou comme ce matin là, de mort assistée. Très assistée. En passant près d’un immeuble, j’ai entendu des bruits de fusil mitrailleurs. Je m’approche, je tombe sur un policier.

Je lui dis : mais Qu’est ce qui se passe ?

Ah, ben, Deux hommes cagoulées armés de kalachnikovs et d’un lance-roquettes, viennent de faire un carnage chez Charlie.

Ah bon ? Mais, pour que deux personnes attaquent la rédaction d’un journal armées de la sorte c’est que cette rédaction doit vraiment avoir quelque chose de très grave à se reprocher.

Je veux dire … pour en arriver là, leur histoire de journal, c’est sans doute une couverture pour faire tourner un trafic de drogue ou la traite des blanches.

Le flic, il me dit, non, en fait, le seul truc que les gens faisaient dans cet endroit à longueur de journée, c’était écrire et de dessiner.

Ah … Mais c’est très grave, ça, de dessiner et d’écrire ce qui vous passe par la tête.

Le flic répond : ah, oui, nous sommes bien d’accord, dans une démocratie, c’est tout à fait scandaleux.

Et le pire, il ajoute, c’est que ces gens là faisaient leur boulot avec tellement d’intelligence et de sensibilité que très souvent ils arrivaient à faire rire des gens qu’ils ne connaissaient même pas.

Et en plus ajoute, là le policier, ils ont eu le culot de faire des dessins satiriques sur la religion.

Moi ? Non. Et Dieu il a réagit comment ?

Lui, Ben Dieu, il n’a rien dit. Ça n’avait pas l’air de le déranger plus que ça et comme on dit « qui ne dit mot consent.. »

C’est quand même difficile d’imaginer que Dieu dont on passe notre temps à nous dire qu’il est grand, aurait besoin de deux débiles pour exister.

On était d’accord. Je sentais qu’il voulait encore me parler mais d’un coup je l’ai trouvé un peu pâle, très pâle.

D’un coup, je me suis rendu compte que depuis 3 min je parlais à un mort. Il s’appelait Ahmed, il portait l’uniforme de la police nationale. C’est ironique hein, le 11ème un mercredi à 11h30 du matin.

Alors je suis rentré chez moi, avec une sensation étrange.

La télé était branchée sur les chaînes info. J’ai toujours les chaînes info allumées en continu chez moi avec le son coupé, comme ma montre est pétée, ça me permet d’avoir l’heure en direct.

J’ai vu passer un bandeau qui annonçait que Charb, Cabu, Honoré, Tignous, Wolinski, étaient morts.

Par déformation professionnelle, j’ai d’abord pensé « Bal tragique à Charlie Hebdo, 12 morts, » mais bof, sans plus, comme idée…

Alors, j’ai repris ma chronique écrite le mardi. La meilleure que j’ai jamais pondue. Pour oublier, j’ai voulu rire en me la relisant… Mais, je ne sais pas pourquoi, ça ne marchait plus, je n’avais plus du tout envie de rire.

C’est étrange quand même ce que ça peut vous faire, une ballade dans le 11ème un mercredi à 11H30 du matin.

Crédit image : @dmcqtv