Que se passe t-il en Corée du Nord, dans ce pays fermé sur le monde extérieur ? Ludoc Hudson, réalisateur du Studio Bagel que vous connaissez forcément à travers de nombreuses vidéos, DA des Tutos ou encore réalisateurs du Dézapping du Before sur C+, nous raconte son voyage.

Ludoc est donc parti en Corée du Nord, mais pourquoi cette destination ? On lui a posé la question :

Beaucoup de personnes me demandent pourquoi j’y suis allé : Parce que de nombreuses personnes parlent de la Corée du nord en la critiquant et je voulais voir ce que ça donnait en vrai.

Le jeune réalisateur a donc passé plusieurs jours dans ce pays où le droit de visite est presque rare. Un reportage photo très intéressant qu’il nous décrit avec précision. Il voyagera, escorté par les militaires et il n’aura pas ni passeport, ni téléphone, puisqu’ils seront gardés durant son séjour… Ambiance !

25 avril – 17h : Arrivée dans l’aéroport de Pyongyang

Le terminal sur la photo n’est pas fonctionnel, c’est juste une coquille vide pour donner une belle impression. Les autorités nous font passer à côté, dans un terminal militaire où les photos sont interdites, et contrôlent nos téléphones, livres et iPad en nous demandant de supprimer les films, Bible ou tout autre livre religieux. Nos guides se présentent, leur savoir sur la France est très limité, ils ne connaissent que Mitterand et Zidane. Ils sont deux par groupe pour se surveiller l’un et l’autre.

25 avril – 19h : Les statues de Kim Il Sung et Kim Jong Il

Les portraits de Kim Il Sung et Kim Jong Il sont affichés partout dans le pays, les coréens vouant un véritable culte pour leurs grands leaders. On nous demande d’acheter des fleurs et de saluer les statues. Les photos des leaders doivent toujours être de plain-pied, aucun détail comme le visage ou les mains sont autorisés. L’ambiance est pesante, la moindre question sur les militaires autour se solde par un : « no question ».

Pyongyang

Arc de Triomphe de Pyongyang

Parc d’attraction Pyongyang

25 avril – 20h : arrivée au Pyongyang Koryo Hotel

Nos guides prennent nos passeports et visas pour ne pas les perdre pendant le séjour selon eux. On a donc plus aucune identité dans le pays. Les chambres donnent sur la ville et la tour du Juche au fond, la télévision n’a que deux chaînes et ne parle que de guerre. La nuit des hauts parleurs diffusent en boucle des chants de propagande.

26 avril – 8h : Trajet en bus dans la ville

On roule à travers la ville vers le palais présidentiel. Quand on marche dans la rue avec nos guides, les gens nous fixent, certains prennent peur en nous voyant, on est des bêtes de foire. La population n’a pas l’air malheureuse, on les voit même souvent rire entre eux, se taquiner, se vanner.

26 avril – 10h : visite du Palais du Soleil Kumsusan

Un immense édifice sans une seule fenêtre. Nos téléphones et appareils photos nous sont confisqués dès l’arrivée, on nous explique le protocole à suivre : costume de rigueur, pas de main dans les poches et toujours en fil indienne. On visite les salles des trophées des anciens leaders puis les salles où sont entreposés leurs sarcophages baignés dans une lumière rouge et entourés d’une dizaine de militaires qui te surveillent. Chaque groupe doit saluer trois fois les corps embaumés, sans doute la visite où j’étais le moins serein.

26 avril – 12h : le métro de Pyongwang

Situé à 120m sous terre, le métro sert aussi d’abri anti-atomique en cas d’attaque militaire aérienne. On visite deux stations, sans doute les deux plus belles de la ville, les touristes ne pouvant pas accéder aux 15 autres. Seuls trois personnes sont dans notre rame dont un militaire. La sonnerie résonne, un touriste à côté de nous monte dans une autre rame pensant bien faire, le métro ne démarre pas, les militaires lui demandant de nous rejoindre. Je commence à filmer mais le guide me prend par le bras pour me montrer la carte du métro.

26 avril – 12h : Place Kim Il Sung

La grande place des défilés militaire comme au dessus (photo Google). Des marques au sol représentent les placements des militaires. Nos guides nous indiquent à chaque fois les endroits où on peut prendre une photo. Par exemple ici, je voulais faire un plan large de l’esplanade mais les guides m’ont interdit d’aller plus loin pour ne pas montrer les câbles électriques accrochés aux lampadaires. Tout doit être parfait.

Tour du Juche

26 avril – 15h : départ pour la zone démilitarisée, la frontière avec la Corée du Sud

On prend l’unique autoroute du pays, toute droite, complètement détruite, notre chauffeur slalome entre les trous tant bien que mal. En 2h de trajet, pas une voiture ne croise notre route. On passe plusieurs barrages militarisés sur le chemin, nos guides nous demandent systématiquement de cacher nos casques et iPhones. En traversant le pays, on découvre la réelle pauvreté qui touche la population. Les coréens travaillent dans les champs à la main, des vaches tirent les charrues, aucune machine agricole ou de système d’irrigation existent. Ils ont les ressources mais pas les outils.

26 avril – 18h : Arrivés à Kaesong

Un match de volley s’improvise avec nos guides sur un petit parking. L’occasion pour moi de vous parler d’eux : un anglais parfait appris à l’école, des gens très cool, très à l’aise sur la fin riant de bon cœur à nos vannes mais toujours aussi méfiants dès qu’on pose une question qui dérange sur les militaires, les interdictions ou sur l’Histoire en général. Impossible de se déplacer sans eux, ils parlent de leur pays en commençant leur phrase par « my korea » et attendent d’être seul pour demander comment est le monde extérieur comparé au leur.

Ville de Kaesong

Rues de Kaesong

Université de Kaesong

26 avril – 22h : Nuit dans une maison typique de Kaesong

Nuit dans une maison typique de Kaesong avant d’atteindre la zone démilitarisée le lendemain : pas d’eau chaude, pas de porte, pas de radiateur. Le seul élément moderne est une télévision diffusant des images de guerres en boucle.

27 avril – 9h : Dernière journée en Corée du Nord

Ballade dans la ville de Kaesong avec nos guides. La propagande est omniprésente dans le pays. Des affiches staliniennes sont placardées dans toutes les rues, des hauts parleurs passent en boucle des chants patriotiques, toutes les télévisions diffusent des images de guerre ou des concert à la gloire des leaders avec des projections de tank et d’avion derrière l’orchestre, la salle applaudissant à chaque apparition des leaders, c’est une véritable religion.

27 avril – 11h : la DMZ entre la Corée du Nord et la Corée du Sud

La zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Les cabanes bleues relient les deux pays. D’un coté les nord coréens, deux pour se surveiller, le troisième dos au sud pour prévenir toute fuite, et en face les sud coréens qui passent quelque fois. Je n’ai pas pu prendre de photo de leur passage mais on sent une grosse tension, ils viennent et se placent poings fermés face aux nord coréens. Le général qui nous fait la visite a une haine profonde des USA et de la Corée du Sud rattachée aux américains. Il précise quand même : « We hate the US government but not the citizens », puis ils nous regardent en précisant que la France a aussi attaqué son pays pendant la guerre « Your parents killed mine ». Grosse ambiance.

27 avril – 17h : Un nouvel hôtel en travaux et le Musée de la Guerre

En arrière plan un hôtel encore en travaux à l’intérieur mais terminé à l’extérieur d’après nos guides. Impossible de s’en approcher, des murs de 6m de haut l’encerclent.
Au premier plan, la statue de la victoire du Musée de la Guerre. Des photos d’américains morts au combat sont affichées, des avions et des chars américains détruits sont exposés dans un parking comme des trophées de guerre.
On entre ensuite dans le musée où il est interdit de prendre des photos, on nous projette une vidéo commençant par un gros titre « Qui a provoqué la guerre ? », des images d’archives d’américains avec une grosse musique de grand méchant loup laissent place à des plans de coréens dans les champs bercés d’une douce mélodie très vite coupée par des explosions et des gros plan d’enfants coréens en pleurs face caméra. Un beau film de propagande.
Pour les nords coréens, ils ont gagné la guerre en ridiculisant les Etats-Unis. En vérité il y a eu statu quo et une armistice a été signée pour diviser les deux pays, mais personne ici ne veut entendre parler de cette version de l’Histoire. Tout le pays est bâti sur un mensonge, un souvenir d’une guerre de 3 ans qui plane sur le pays depuis plus de 60 ans. Un musée en marbre et en or qui a dû couter des millions pendant que certains meurent de faim. Un pays où un habitant sur trois est militaire. Une folie.

28 avril – 7h : Dernier regard sur la Corée du Nord

Départ pour la Chine dans une heure. Dernier insta du voyage, si vous tendez l’oreille on entend la radio de propagande diffusée à partir de 6h dans la rue. Un voyage hallucinant dans un pays complètement fermé, le Visa est accessible mais long à obtenir. Une fois sur place, il faut se tenir à carreaux et respecter leur culte. Le seul vrai risque, c’est l’expulsion. C’est un séjour pas toujours tranquille mais il faut le faire une fois dans sa vie.

Quelques plans de Corée du Nord filmées à l’iPhone.

Quelques plans de Corée du Nord filmées à l’iPhone.

Quelques jours placés sous surveillance militaire dans un décor aux allures de Guerre Froide ! De bonnes frayeurs mais un voyage dans le temps complètement hallucinant.

Photos prises à l’iPhone 6, retouchées sur l’appli Afterlight.

Merci à Ludoc (le suivre sur Twitter / Facebook) pour ce le partage de son vécu. N’hésitez pas à nous contacter pour nous proposer les vôtres.

Pour aller plus loin : en savoir plus sur la Corée du Nord avec ce reportage photo/vidéo réalisé en 2014.
Road trip dans la ville :

Le reportage vidéo de Vice « Guide Vice de la Corée du Nord », partie 1 dans la page suivante :

Guide Vice de la Corée du Nord Partie 1

Guide Vice de la Corée du Nord », partie 2 dans la page suivante :
Guide Vice de la Corée du Nord Partie 2 :

Guide Vice de la Corée du Nord », partie 3 dans la page suivante :

Guide Vice de la Corée du Nord Partie 3 :