L’artiste Thylacine (William Rezé de son vrai nom) sort son single Mountains. Le jeune français de 22 ans, qui a créé son label (Intuitive records), fait partie avec Superpoz et Fakear du renouveau de l’électro-pop made in france. Des morceaux plus poussés musiques du monde qui cartonnent.

Le clip de Mountains est une petite pépite visuelle. Réalisé par Cyprien Clément-Delmas, très marqué par le documentaire et le photoreportage qui a déjà voyagé en Ukraine et en Afrique du Sud, en intégrant toujours des communautés difficiles d’accès, le clip produit par Caviar Content nous plonge dans une Bulgarie vidée.

CCD nous explique comment il a perçu le morceau de Thylacine

Il y a dans la musique de Thylacine une vraie force, un lyrisme et une grandeur qui appelle à des images qui le sont tout autant. Il y a dans sa façon d’aborder la musique une approche extrêmement cinématographique. C’est une grande chance pour un réalisateur mais c’est aussi une vraie exigence.

Le titre « Mountains » m’évoquait dès le départ un univers mystérieux et mystique empreint d’une grande nostalgie. Les cordes viennent appuyer cette sensation d’une grandeur perdue.

Pourquoi le lien entre Moutains et l’Europe de l’Est ?

Moi qui ait beaucoup tourné et photographié l’Europe de l’est, j’étais sensible à ces thèmes. Depuis la chute de l’Union soviétique, il y a dans ces pays une sensation de temps suspendu. Beaucoup de monuments communistes sont tombés à l’abandon et le fossé entre l’ancienne et la nouvelle génération s’est creusé. La jeunesse veut regarder devant alors qu’une grande partie de l’ancienne génération regarde encore derrière. Cette difficulté à s’extraire de son passé, sans pouvoir pour autant le renier, me fascine. J’ai donc proposé à Thylacine de travailler sur trois concepts: le temps suspendu, la nostalgie du passé et le contraste entre l’ancienne et la nouvelle génération.

Le clip a été tourné en Bulgarie car je voulais pouvoir filmer un immense monument communiste à l’abandon qui se trouve en haut d’une montagne, au centre du pays. Nous nous sommes donc installé pendant 10 jours dans une petite ville au pied de cette montagne pour créer le clip.

Comment s’organise un tournage à l’étranger ?

Venant du documentaire et du photoreportage, j’aime travailler à partir du réel. Ma matière première c’est la réalité. Il n’y a donc aucun acteur dans ce clip et c’est bien là le défi. J’ai du gagner leur confiance et de les amener à façonner avec eux le film.

C’est un vrai stress en tant que réal car je suis parti là-bas sans savoir exactement ce que j’allais pouvoir ramener. Je dois remercier d’ailleurs Thylacine et mes producteurs de m’avoir fait confiance. J’avais bien sûr tout les concepts en tête mais encore fallait-il pouvoir les filmer et les exprimer. Le tournage est donc un moment extrêmement créatif pour moi mais aussi extrêmement exigent. Il faut être concentré et réactif. Nous avons eu sur place seulement 5 jours pour découvrir les lieux, dénicher les personnages, trouver les endroits où nous allions tourner et armer la narration. Le tournage a ensuite durée 5 jours.

Qui d’autres t’aidaient dans l’aventure ?

Nous étions une petite équipe de 5 personnes: le réal, le chef opérateur (Dani Fernandez), l’assistant caméra et deux assistant de production bulgares. Equipe minimum mais vraiment efficace. Lorsqu’on travaille avec une approche documentaire c’est toujours compliqué d’être une grosse équipe. On ne peut pas rentrer chez les gens à 15. Il ne faut pas non plus dénaturer les actions des personnages et la relation qu’on tisse avec eux.

On adapte alors presque d’un jour sur l’autre le plan de tournage en fonction des disponibilités des personnes et des nouvelle idées qui nous viennent à l’esprit.

Sans gros budget, comment fait-on ?

Quand on a une petite équipe et un petit budget, ll faut être aussi très débrouillard. Pour la séquence de l’église sous l’eau par exemple, on a réussi à se faire prêter un petit bateau chez un voisin. Pour faire les plans je ramais et dirigeais le bateau pendant que le chef op à mes côtés opérait la caméra. En se débrouillant, on réussi toujours à obtenir plein de choses, notamment un cheval, une lada tunée ou un mec suspendu dans le vide. C’est ça aussi le côté excitant du tournage.

Peux-tu nous expliquer comment tu as monté le clip ?

Le montage a été extrêmement créatif. Pour moi c’est le moment où l’on créé vraiment le film. On a beaucoup travaillé sur la structure pour transmettre les concepts et les sensations que l’on cherchait tout en respectant la musicalité et le rythme du titre. J’ai travaillé avec l’excellent Carlos Font qui monte presque toutes les vidéos pour Canada à Barcelone. On s’est enfermé pendant une semaine pour en ressortir avec le montage qu’on présente aujourd’hui. J’ai rarement autant apprécié l’étape du montage. C’était hyper créatif. On a vu le film prendre forme petit à petit, le ton s’affirmer et les concepts prendre leur force pour arriver à un résultat vraiment singulier je pense. On a truffé le montage de symbolique. Par exemple, le film a une structure en miroir: il termine comme il commence, fermant ainsi une boucle entre l’ancienne et la nouvelle génération. Il peut être regarder en boucle d’ailleurs si on enlève le titre à la fin.

Ton rendu perso sur ce clip ?

Au final, le film est beaucoup plus complexe qu’une simple opposition jeunes/vieux: il y a une certaine impossibilité pour cette jeunesse de s’extraire de son passé. Tout l’y ramène: des sports qu’elle pratique aux lieux qui l’entoure.

Pour ma part, j’avais depuis longtemps l’envie de rapprocher l’univers du documentaire et l’univers du videoclip. Je voulais partir de vrais personnages et vraies situations et les traiter d’une manière plus onirique et conceptuelle pour les détacher du réel.
Le slow-motion s’est imposé à nous tant pour créer l’atmosphère aérienne du clip que pour accompagner la musicalité du titre.