Madoff parti rejoindre les Arsène Lupin et autres Alfred Sirven au paradis des arnaqueurs, le monde est-il pour autant débarrassé des escrocs de haut vol ? Pas vraiment, si l’on en croit les nouvelles qui, de l’Espagne au Kazakhstan, en passant par le Royaume-Uni et la France, témoignent de ce que l’un des plus vieux métiers du monde attire toujours à lui de nouveaux candidats.

C’était le roi des escrocs. Un véritable parrain à la sicilienne, respecté de ses « pairs » et codétenus, jusqu’au fin fond de sa cellule du pénitencier fédéral de Butner, dans l’État américain de Caroline du Nord, où il purgeait une peine de 150 ans de prison. Une légende de la pègre malgré lui, dont le patronyme était devenu synonyme de fraude à grande échelle. Bernard Madoff est mort, le mercredi 14 avril dernier, à l’âge de 82 ans. L’ancien financier de Wall Street avait été condamné en 2009 pour avoir détourné, quinze ans durant, près de 65 milliards de dollars, au terme de l’une des plus importantes affaires d’escroquerie de l’histoire contemporaine, révélée à la faveur de la crise financière de 2008.

Escroc de génie

Une « pyramide de Ponzi » : c’est le système, en apparence très simple, de fraude pyramidale qui a permis à Bernard Madoff d’escroquer ses innombrables victimes à travers le monde, parmi lesquelles se trouvaient quantité hommes d’affaires chevronnés, mais aussi des vedettes du showbiz, ou même de très respectables fonds de pensions ou d’investissement, Américains ou étrangers. Promettant de faramineux taux d’intérêt à ses clients les plus anciens, Madoff puisait, en réalité, ces sommes dans les capitaux apportés par des milliers de nouveaux investisseurs qui, lorsque la bulle des subprimes a éclaté, n’ont jamais pu retirer leurs économies si mal placées. De New York à Jérusalem, en passant par les beaux quartiers parisiens ou londoniens, personne n’y a vu que du feu.

Et pour cause. Profitant d’une légitimité internationale assise depuis les années 1960, celui qui a, un temps, occupé le poste de président non exécutif du Nasdaq, flouait son monde, tout en menant une vie de nabab conforme aux promesses et rêves qu’il vendait à ses victimes : yachts de luxe, penthouse new-yorkais, villa dans le sud de la France… Au fait de leur gloire, la fortune des époux Madoff était estimée à plus de 800 millions de dollars. Pas suffisant, néanmoins, pour empêcher leurs deux fils de révéler à l’automne 2008 le pot aux roses aux autorités américaines, jetant leur père dans une machine judiciaire américaine qui ne devait plus jamais relâcher son étreinte. Symbole d’une finance folle pour les uns, victime expiatoire d’un système financier au bord de l’implosion pour les autres, le nom de Bernard Madoff restera, en dépit de la ruine dans laquelle il a précipité ses victimes, comme celui d’un escroc de génie.

Moukhtar Abliazov, William Baekeland… : ces escrocs de haut vol qui échappent encore et toujours à la justice

Le monde s’est-il débarrassé des escrocs de haut vol ? On peut en douter. En Espagne, une soixantaine d’investisseurs sont à la recherche d’un certain Raul B., un jeune trader qui s’est envolé avec plus de 2 millions d’euros en poche. Comme Madoff, le courtier en produits financiers à haut risque menait grand train, s’affichant auprès de ses victimes au volant d’une Ferrari, portant des montres de luxe ou s’envolant pour de très exclusives destinations. Garantissant à ses proies un retour sur investissement de 5% par trimestre, Raul. B est même allé jusqu’à arnaquer ses propres étudiants en finance. Avant de se faire la malle, probablement au Mexique, où il vivrait désormais sous une fausse identité.

Aux cocotiers et plages de sable fin, d’autres personnes en fuite préfèrent la France. Moukhtar Abliazov, un homme d’affaires et ancien ministre originaire du Kazakhstan, vit aujourd’hui en France, où il bénéficie d’un statut de « réfugié politique ». Le businessman est pourtant accusé par le Royaume Uni d’avoir détourné pas moins de 4,6 milliards de dollars, lorsqu’il dirigeait la plus importante banque du Kazakhstan, la BTA. Et d’en avoir transféré une partie sur plusieurs centaines de comptes offshore abrités dans d’exotiques paradis fiscaux. Condamné en 2012 par la justice britannique, qui a ordonné le gel mondial de l’ensemble de ses avoirs – ainsi que de ceux de ses proches et prêtes-noms en 2020–, Moukhtar Abliazov n’en coule donc pas moins des jours heureux en France, où il a tout loisir de dépenser les colossales sommes qu’il aurait détournées des poches de ses compatriotes.

Dans un tout autre style, celui qui se faisait appeler William Baekeland mérite lui aussi son titre d’escroc international. Doublement, même, la « spécialité » du jeune Britannique consistant à faire miroiter à de riches aventuriers des voyages hors normes, vers des destinations aussi confidentielles qu’a priori impossible d’accès. Grand voyageur lui-même, celui qui n’hésitait pas à s’inventer une généalogie prestigieuse pour se faire adouber de ses futures victimes a lui aussi pris la fuite, empochant au passage près de 800 000 euros. D’autres, enfin, préfèrent travailler en équipe, à l’image de ces malfaiteurs qui ont monté une escroquerie internationale aux faux placements en bitcoins, diamants ou or. Démantelée grâce à une coopération policière internationale, l’opération aurait rapporté plus de 6 millions d’euros à ses auteurs, dont le chef présumé a été arrêté en 2019 en Israël. Avant d’être relâché.

Pour les escrocs en col blanc le film « Attrape-moi si tu peux » semble plus d’actualité que jamais.